On vient de parler des personnages en général, mais discutons maintenant des antagonistes. Des dark lords. Des méchants.
Je me permets d’insister sur ce point, car s’il m’arrive souvent de croiser des personnages en carton dans les manuscrits que je reçois (« personnage en carton » veut dire un protagoniste sans aucune profondeur qui n’est là que pour exercer une fonction), pour les méchants, là, c’est pire.
Remarquez, un roman n’a pas forcément besoin d’avoir des « méchants » proprement dits. Le héros devra surmonter des difficultés tout au long du récit, mais ces problèmes peuvent provenir de sources variées : climat politique d’un pays étranger, météo capricieuse, obstacles physiques comme une falaise infranchissable, etc.
Souvent, par contre, ce sont de bons vieux « méchants » qui vont mettre des bâtons dans les roues.
Vous savez quoi?
Les personnages méchants doivent obéir aux mêmes règles de la logique que les gentils. Un dicton dit : « Nous sommes tous le héros de notre propre histoire », signifiant que ceux qu’on perçoit comme de pures crapules agissent de la meilleure façon possible — à leurs yeux, du moins.
Georges Lucas disait que Darth Vador ne voulait, au fond, que rétablir l’ordre dans la galaxie (et, spoiler alert, il y parvient). Dans sa propre vision des choses, détruire la planète Alderaan n’était qu’un moyen pour obtenir la paix à grande échelle.
Vos méchants doivent agir selon une logique cohérente avec leur vision du monde.
Encore une fois, revenons-en à la trame de fond
Quand vous déterminez qu’un personnage jouera un rôle de méchant, demandez-vous immédiatement pourquoi il a choisi de porter ce chapeau. Il faut que, d’une façon ou d’une autre, ce personnage soit capable d’intellectualiser son comportement pour en arriver à la conclusion qu’il prend les bonnes décisions. (À moins d’avoir un personnage purement irréfléchi, mais alors, ça revient au même : quelqu’un peut croire mordicus que, dans la vie, mieux vaut agir en suivant ses instincts.)
Votre devoir sera de trouver comment ce personnage en est arrivé à penser ainsi, à avoir cette vision du monde. Est-ce qu’il a eu une enfance difficile? A-t-il vécu un évènement particulier où ses actes (apparemment maléfiques) ont sauvé des milliers de vies?
Bien sûr, vous pouvez mettre en scène de bons vieux psychopathes qui n’ont aucun sens moral et sèment la destruction partout sur leur passage… Ces gens existent, il ne faut pas les ignorer : mais encore une fois, les psychopathes ont souvent des parcours tumultueux qui les ont menés à leur état actuel. Ce sont des cas psychologiques très complexes à ne pas prendre à la légère.
Prenez la peine d’y réfléchir. Les agissements de votre antagoniste ont besoin de cohérence.
Exploiter les zones grises
Personnellement, je trouve que les « méchants » les plus intéressants sont ceux qui rayonnent par moments. Personne n’est qu’une crapule à 100 % ou qu’un justicier à 100 %. Nous avons tous nos zones d’ombre et de lumière.
Le connard de votre histoire pourrait agir en héros une fois de temps en temps. Même s’il exerce un rôle de crapule la plupart du temps, on pourrait découvrir son humanité dans une scène où il protège les membres de sa famille, par exemple. Ces quelques moments contribueraient à le rendre crédible.
Les antagonistes qui ne fonctionnent pas, ce sont ceux qui sont « méchants » juste pour être « méchants ». Je crois vraiment que personne n’est comme ça (sauf dans les romans des débutants).
Créer des méchants avec des « scénarios contraires »
Le livre Stein on Writing contient bon nombre d’excellents trucs pour approfondir la psychologie des personnages, antagonistes inclus. J’ai bien aimé l’un des exemples cités par l’auteur dans ce livre.
Stein a expliqué que, dans l’une de ses classes d’écriture créative, il a demandé à deux étudiants de mimer une scène devant la classe. Chacun d’eux avait reçu des directives distinctes. La première étudiante s’est fait dire secrètement : « Tu es la mère d’un élève modèle et respectueux, qui a des notes parfaites dans toutes ses matières ». Pour le deuxième, c’était : « Tu es un directeur d’école qui convoque une mère de famille parce que son fils est un réel cancre qui sera bientôt expulsé de l’établissement. »
Vous l’avez deviné : la scène a généré beaucoup d’étincelles.
Maintenant, qui a joué le rôle du méchant, là-dedans? Le directeur d’école, qui désirait éliminer un élève turbulent? Ou la mère, qui croyait que son fils subissait une grande injustice?
Peu importe. À la base, les étincelles ont été créées parce que les consignes différaient pour chaque personnage.
C’est pareil dans le roman. Les méchants sont créés précisément quand les personnages reçoivent des scénarios qui se contredisent.
Le livre de Sol Stein, c’est de la bombe. Je l’ai lu plusieurs fois et je le relirais encore, si seulement je ne l’avais pas égaré…
Bon. À ce stade-ci, vos personnages (les gentils comme les méchants) devraient être prêts à intégrer votre histoire. Il serait donc temps de vous demander si vous devez faire un plan.
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