Nous en sommes maintenant à la fin de cette série de billets. Je pensais en faire 10 au commencement, mais je crois qu’il est préférable de m’arrêter ici. Vous comprendrez sûrement pourquoi.
Comme huitième objet de mon bureau, permettez-moi de vous présenter ma tasse miniature :
Si vous avez de la difficulté à la voir sur l’image, c’est normal. Elle est vraiment petite.
Voici une photo plus rapprochée :
Ceux avec un bon oeil auront remarqué que cette tasse apparaît sur mes images d’en-tête sur mes profils Twitter et Google+.
Quosséça, donc?
D’abord, non, je ne l’utilise pas pour prendre mon café sur mon chauffe-tasse.
Si je garde cet objet dans mon bureau depuis un certain temps, c’est qu’il y a une histoire cachée derrière.
* * *
Revenons de 6 ans en arrière, en 2009. Je me préparais à lancer le dernier livre de ma série Alégracia à Saint-Odilon-de-Cranbourne, mon village natal. Ce livre, je l’avais dédié à ma grand-mère. Dans les premières pages, on peut lire la dédicace suivante :
Pour Pauline,
qui prenait le thé avec ses lutins et ses géants
C’est que, voyez-vous, ma grand-mère a fait une sorte de « farce » à ses petits-enfants, quand j’avais environ 4, 5 ou 6 ans (je ne me souviens plus exactement). Dans sa maison, elle avait une décoration qui était assez populaire à l’époque : une grosse fourchette en bois et une immense cuillère, accrochées côte à côte sur le mur de la cuisine.
Naïf que j’étais à cet âge, je lui ai demandé pourquoi elle possédait ces deux ustensiles. Elle a dû me répondre ça sur un coup de tête, mais elle m’a dit : « Ah! Ça, c’est parce que j’ai souvent un géant qui vient me rendre visite. Quand il veut manger, je lui prête mes ustensiles. »
Vous le savez : les enfants ont des imaginations débordantes. Et je peux dire que la mienne s’est enflammée aussitôt. « MA MAMIE VOIT DES GÉANTS?!? » Je l’avais crue sans hésiter.
J’ai reculé de quelques pas et je suis arrivé à côté d’une armoire vitrée, dans laquelle ma grand-mère exposait quelques souvenirs de voyage. Parmi les objets, il y avait des petites tasses, assorties avec leurs petites soucoupes.
Je lui ai demandé pourquoi elle avait ça, et elle m’a répondu : « C’est parce que des lutins viennent me voir aussi. »
Ce qui m’est passé par la tête ressemblait à : « OH!MONDIEUMONDIEUMONDIEU! »
* * *
J’ai tellement cherché ces lutins-là!
Chaque fois que j’allais chez ma grand-mère, j’en faisais ma quête personnelle : j’arpentais toutes les pièces dans sa maison, je cherchais les trous dans les murs, je regardais s’il y avait pas des traces de pas dans la poussière (problème pour moi : la maison était impeccable).
Ça amusait pas mal ma grand-mère de me voir aller. Mais pour moi, c’était du sérieux.
Le manège a duré plus d’une année.
* * *
Ma grand-mère n’avait sûrement pas mesuré l’ampleur de l’effet que cette « blague » a eu sur moi, car en me racontant ces histoires de lutins et de géants (qu’elle a entretenu VOLONTAIREMENT pendant DES ANNÉES), elle m’a ouvert une porte vers l’imaginaire qui est restée béante depuis.
Ça m’a marqué au fer rouge.
C’est pourquoi je tenais à lui rendre hommage, en 2009, lors du lancement d’Alégracia et le Dernier Assaut. Je savais qu’elle serait présente durant l’évènement, et j’avais l’intention de raconter cette histoire devant l’assemblée, pour expliquer la dédicace du livre.
Au jour J, on m’a appelé pour que je fasse mon discours. Je suis monté sur scène, et j’ai raconté.
Ma grand-mère écoutait. Les gens riaient, ceux qui étaient assis à l’avant avaient l’air touchés. Je voyais une tante qui versait une larme, émue. Mais ma grand-mère, elle, est restée de marbre du début jusqu’à la fin du récit.
Je me suis demandé, l’espace de quelques secondes, si je n’étais pas allé trop loin. Voulait-elle garder cette histoire pour elle, et elle seule? Peut-être craignait-elle qu’on la croie méchante pour avoir raconté des « menteries » à ses petits-enfants.
À la fin, les gens ont applaudi, et ma grand-mère aussi.
* * *
Quelques heures après l’évènement, quand la poussière était retombée, ma mère est venue me voir et m’a dit : « C’était vraiment une belle histoire! Mais, tu sais, Pauline (c’est le nom de ma Mamie) n’est pas beaucoup en forme ces temps-ci. Quand tu es redescendu, elle m’a demandé de lui redire ce que tu avais raconté. Je pense qu’elle n’a rien compris. »
J’étais furieux, réalisant que j’avais attendu trop longtemps pour rendre hommage à ma grand-mère! Et dire que j’aurais pu le faire des années avant, quand elle était en bonne santé! Mais non. J’avais été ingrat comme tout le monde.
Je m’en suis mordu les doigts.
* * *
Trois semaines plus tard, je recevais un appel à Québec. C’était ma mère. Elle me disait qu’elle avait trouvé un enregistrement du lancement et qu’elle l’avait montré à ma grand-mère. Mamie avait donc entendu mon hommage, dans la chambre de son foyer. Un peu en retard, mais bon. Ça m’a fait du bien.
* * *
Trois jours plus tard, je recevais un petit colis. Une petite boîte pleine de paille jaune, qui arrivait directement du foyer de Saint-Odilon. J’ai soulevé la paille. Et qu’ai-je vu en dessous?
La petite tasse.
* * *
Inutile de vous dire que je l’ai gardée religieusement près de moi depuis. C’est bien plus qu’une décoration. C’est le symbole du début d’une riche aventure dans l’imaginaire.
Et depuis avant-hier, en plus du reste, c’est devenu un précieux souvenir.
Bon voyage, grand-maman. Mon enfance me manque, et toi aussi.
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