Alégracia: 1ère position sur Kobo pendant 7 jours consécutifs

Mon premier objectif en republiant la nouvelle édition d’Alégracia était d’être lu. J’ai l’air de dire une évidence (tous les auteurs ne veulent-ils pas être lus?), mais n’oubliez pas que la série était à peu près introuvable à partir de 2010, alors que le premier tome était épuisé et qu’aucune autre réimpression n’était prévue.

On peut dire que ça commence bien.

Dès la première journée de la mise en vente d’Alégracia et le Serpent d’Argent à prix spécial de 0,99 $, le livre s’est hissé dans le palmarès des ventes de Kobo pour atteindre la première place dans la catégorie « Fantasy », parmi les livres francophones.

Cet effet est fréquent sur ce genre de plateforme, à cause des algorithmes. Lorsqu’un nouveau livre paraît et que les quelques lecteurs qui l’attendaient l’achètent immédiatement, la plateforme fait une déduction hâtive : « Wow! Ce livre a vendu 5 copies en 10 minutes, ça veut donc dire qu’il en vend 30 à l’heure! Donc 720 par jour! Ça mérite la première position! »

Sauf que ça déchante après quelques minutes, lorsque les ventes ne suivent pas cette tendance calculée.

C’est ce qui est arrivé au moment où j’ai lancé Le premier survivant. Le livre a atteint la première position francophone assez rapidement, mais après quelques minutes, tout s’est stabilisé et le livre est sorti des palmarès.

Avec Alégracia, par contre, ça a été très différent.

Non seulement le livre a grimpé au sommet des palmarès francophones dès son lancement, mais pour les jours subséquents, le livre a continué sur sa folle lancée, et cette fois il se fraye un chemin à travers les titres anglophones.

Ci-dessous, les meilleurs vendeurs dans la catégorie « Fantasy épique », toutes langues confondues :

Palmarès toutes langues confondues
Pouvez-vous trouver l’intrus?

Cette réponse va au-delà de mes espérances les plus folles. Certes, ça ne rapportera pas beaucoup, comme le livre est vendu à 0,99 $, mais avais-je dit que mon premier objectif était d’être lu?

Kobo nous a d’ailleurs fait une très belle surprise en nous plaçant sur sa page d’accueil francophone, dans un encadré « À découvrir! ». On les remercie pour la belle visibilité.

Alégracia sur Kobo

Et bien sûr, merci à vous, chers lecteurs, pour votre soutien! :)

Vous pouvez encore vous procurer le livre à prix spécial sur Kobo ou sur la librairie de votre choix jusqu’au 31 mars 2015. Après cette date, le livre sera vendu au prix régulier de 4,99 $.

D’ailleurs, je vous informe que nous avons réglé un problème avec notre distributeur numérique et que le livre peut désormais être acheté sans DRM sur Leslibraires.ca et la plupart des plateformes québécoises.

« La patience des immortels » finaliste pour un prix littéraire

Il arrive souvent qu’on pioche sur un roman et qu’on se dit : « Ça mène à quoi tout ça? À QUOI? »

Durant les dernières années, la pensée m’a traversé plusieurs fois l’esprit, pendant que je m’imaginais en train de me frapper la tête sur le mur (importante nuance, car le faire en vrai, ça n’apporte vraiment rien à la réflexion, ça peut endommager mon gyproc et ça cause des migraines… donc pas sûr de vouloir entreprendre la thérapie à moyen terme). Je pense que la plupart des écrivains se posent la question régulièrement. La vie d’auteur a ses hauts et ses bas. Il faut vivre avec.

Heureusement, pour le moment, je suis pas mal en altitude.

J’ai récemment appris une très bonne nouvelle : mon roman La patience des immortels est finaliste pour le Prix littéraires Bibliothèque de Québec – SILQ dans la catégorie jeunesse. C’est une annonce très importante pour moi, car c’est la première fois qu’on retient une de mes oeuvres dans un prix de jury. Qu’importe si je gagne ou pas, le simple fait d’être parmi les 3 oeuvres en lice apporte un petit velours sur mes doutes. Et ça donne une sérieux coup de pouce pour continuer.

J’en profite pour remercier Michel J. Lévesque, ainsi que mon éditeur et tous les auteurs qui m’ont précédé dans la collection Les clowns vengeurs, sans qui ce livre n’aurait jamais existé.

Les gagnants seront annoncés le 24 mars à l’hôtel de ville de Québec. Vous pouvez lire le communiqué officiel.

Remaniement massif des fiches d’Alégracia

Ce matin, j’ai remanié toutes les fiches des livres d’Alégracia pour mettre à l’honneur les futures versions numériques qui seront publiées en 2015. Dans ces pages, il ne reste presque plus aucune mention des anciennes versions papier, qui ne sont plus disponibles depuis longtemps.

Comme les couvertures ne sont pas encore 100 % prêtes, j’ai pour l’instant mis des images temporaires qui seront remplacées dès que j’obtiendrai le visuel final.

La page de la série Alégracia a aussi été modifiée pour refléter les changements.

D’ailleurs, j’en profite pour vous annoncer que le livre Sintara et le Scarabée de Mechæom sera également disponible en version numérique plus tard cette année. Il sera vendu sur ce site, ainsi que sur Kobo, Amazon Kindle Store et iBooks au prix de 2,99 $.

Les nouvelles fiches :

Alégracia et le Serpent d'Argent Alégracia et les xayiris Alégracia et le Dernier Assaut Alégracia : l'intégrale Sintara et le Scarabée de Mechaeom

La genèse d’Alégracia #2 : Les années sombres

Dans mon précédent billet, j’expliquais comment j’avais abandonné le cégep, notamment en voulant me lancer dans la bande dessinée, décision qui s’est avérée un échec total.

Sans blague, j’en reviens pas encore comment j’ai lâché un projet aussi rapidement.

J’ai dû choisir de ne pas rentrer à ma 3e session de cégep à la fin de l’été, car en juillet, je me suis trouvé un nouvel appartement à Lévis, avec de nouveaux colocs. Logiquement, si je voulais rester à Lévis, c’est que je pensais fréquenter le cégep… Sinon, pourquoi rester là-bas???

Donc, je suis cette logique : j’ai dû prendre la décision de faire de la BD quelque part entre juillet et septembre. Ça ne m’a pas laissé une grande fenêtre pour pratiquer mon art, parce que je me souviens avoir paqueté mes affaires pour (disons-le comme ça) crisser mon camp de Lévis au début d’octobre.

* * *

J’ai fait de la BD pendant quelques semaines en septembre, en 2000. Ça me semble plausible, comme je n’ai produit que 5 planches durant cette brève aventure. Cinq horribles planches. Nulles, nulles, nulles.

Ainsi, je me retrouvais à Lévis avec rien d’autre à faire que jouer à Diablo II et à Quake III.

Je peux vous jurer que, durant cette période, mon sentiment d’accomplissement personnel ne volait pas haut.

En plus, mes colocs suivant encore leurs cours au cégep. Ils me racontaient leur journée et finissaient par me dire : « Tu pourrais revenir aux cours, t’es encore sur les listes de présence », et moi je répondais : « ÇA ME TENTE PAS! », bien plus par orgueil qu’autre chose. Le soir, je me couchais sur mon lit et je regardais le plafond, perplexe. Comment en étais-je arrivé là? Il me semble que j’avais toujours été un élève modèle au secondaire. Et là, je « pétais ma coche ». Il fallait que je sacre mon camp.

C’est ce que j’ai fait.

En octobre, mes parents sont arrivés avec leur remorque. On a paqueté les meubles. Je suis retourné à Saint-Odilon, et donc à la case départ.

* * *

Si je foirais à Lévis, chez mes parents, c’était encore pire.

J’avais toujours ce sentiment de merde à l’intérieur de moi, celui qui te ronge l’intérieur quand tu réalises que tous tes amis marchent sur le chemin qui mène à leur emploi de rêve. Et moi, mon bateau avait coulé, je me suis échoué sur les berges de mon village natal.

J’ai vraiment rien foutu pendant 6 mois.

Vraiment rien.

À un certain moment, j’ai essayé de me reprendre en main en participant au programme Jeunes Volontaires du centre local d’emploi. On a accepté le projet (vouloir ouvrir une boutique de hobby… en Beauce), mais je n’ai pas dépassé le stade de l’autoformation.

Sacrament! « Pas motivé », tu dis?

* * *

À un certain moment, mon père, qui voyait que je devenais une vraie loque humaine, m’a suggéré de donner mon nom chez Olymel, l’usine de désossage de porcs où il travaillait depuis plusieurs dizaines d’années. J’ai réfléchi quelques jours à sa proposition. Ça avait du bon sens. Et qu’est-ce que j’avais à perdre? Si j’aimais pas ça, j’avais juste à démissionner.

Lol.

* * *

J’ai donné mon nom, et le 21 mars 2001 (je me souviens de la date, car c’est à ce moment précis que j’ai envoyé ma liberté à la boucherie, et c’est pas peu dire), j’ai eu un appel des ressources humaines chez Olymel. J’entrais la semaine prochaine.

Cool.

J’ai commencé à faire du covoiturage avec d’autres travailleurs qui habitaient Saint-Odilon (il y en avait quand même pas mal) et j’ai entrepris ma formation.

En fait, j’étais pas tellement étranger avec l’environnement d’Olymel. J’avais travaillé là pendant tous les étés depuis que j’avais 16 ans. La différence, c’est que lorsque c’est un emploi étudiant, tu sais que tu vas sortir de là à la fin de l’été. De la merde, donc, t’es capable d’en prendre. Tu te dis tout le temps : « C’est pas grave, il me reste deux mois » ou « Dans un mois, c’est fini ». Mais quand tu entres là à temps plein…

Autre chose : durant l’été, il y a plein d’étudiants et d’étudiantes. En septembre, à la rentrée des classes, tout ce beau monde s’en va. Et il ne reste que les « réguliers ».

Je n’écris pas « régulières », car dans cette usine, il n’y avait effectivement que des hommes (à la seule exception des inspectrices). Que. Des. Hommes. Mille-six-cents mâles, pour être plus précis.

Laissez-moi vous dire une chose : des commentaires débiles, j’en ai entendus en TABARNAC.

* * *

Discussions sur les chars. Commentaires sexistes et dégradants. Le hockey. L’usine en tant que telle.

C’était les seuls sujets de conversation.

Et je suis sérieux.

Si on ne chialait pas sur les « boss » ou le syndicat, on ne parlait que de chars-sports-femmes.

Parfois, j’ai essayé de faker que je m’intéressais vraiment à ces choses, mais je pense que ça paraissait dans ma face que ça m’ennuyait à mort. Bref, je ne parlais à presque personne, et ça me convenait.

Si j’ai un petit côté cynique, j’ai dû le développer là-bas.

* * *

Qu’est-ce que tout ça a à voir avec Alégracia, vous me direz? J’y arrive. Patientez un peu.

* * *

Je travaillais donc dans un environnement infernal. Mais au moins, je faisais de l’argent. Car à l’époque, bosser chez Olymel, c’était très payant. Sur les tables de désosseurs, on pouvait facilement avoir 21 $ / heure. Pour un travail d’usine, c’est exceptionnel. J’ai donc pu ramasser un certain montant, assez pour ne plus savoir quoi faire avec.

Et comme j’avais l’impression d’avoir cessé d’évoluer depuis un certain temps, je me suis dit que ce serait sûrement une bonne idée de me trouver un appartement. Un chez moi, bien à moi. (Parce que j’habitais encore chez mes parents, je le rappelle.)

Mon frère était à peu près dans la même situation que moi, alors on a décidé de se louer ensemble un duplex à Sainte-Marie-de-Beauce.

* * *

La vie s’est un peu améliorée. Pas que je haïssais habiter chez mes parents, mais en ayant mon propre domicile, ça me permettait d’avoir un peu de contrôle sur mon environnement.

Au même moment, je suis entré dans une spirale de consommation infernale.

Travailler me faisait chier, mais dans ma tête, j’avais rien d’autre à faire. Si je démissionnais, je ferais quoi? Il aurait fallu que je me trouve un autre emploi, dans une autre usine. J’avais pas de diplôme, rien, et en Beauce, les emplois de bureau ne pleuvaient pas.

Je suis donc resté chez Olymel par défaut.

Je me suis acheté un char. Et plein de bébelles technologiques. Parce que, hein, c’est ça qui rend heureux. J’ai entre autres été le fier possesseur d’une caméra numérique qui prenait des photos en 640 x 480 pixels. 899 $, facture à l’appui. Je mangeais plusieurs fois par semaine dans les restaurants.

Bref, je flambais mon argent comme un con.

Parce qu’il me restait juste ça à faire.

J’étais devenu la mascotte de la société de consommation.

* * *

J’avais 1 minute et 6 secondes pour désosser mon morceau de viande. Je m’occupais des longes de porc.

J’ai tellement fait les mouvements souvent que même 15 ans plus tard, je pourrais reproduire la séquence sans problème.

Le morceau arrivait sur un tapis roulant, tu le prenais, tu mettais les os dans un trou et le morceau désossé dans un autre. Et puis arrivait une autre longe.

Une minute et 6 secondes.

Tout ça dans le froid (il faisait 7 degrés Celcius), dans un bruit extrême et dans un environnement pas du tout propice à la relaxation.

Et comme je ne participais pas vraiment aux discussions sur la table de désossage, j’ai décidé d’être dans ma bulle. Vraiment dans ma bulle.

La compagnie distribuait des bouchons pour les oreilles. J’en mettais chaque jour. Et par-dessus, je mettais un casque insonorisant.

Ce combo coupait tellement le son que lorsque j’ouvrais la bouche, les bruits en provenance de la gauche semblaient provenir de la droite. C’est que les sons entraient par l’orifice buccal et allait faire vibrer le tympan par « l’intérieur ». Un effet vraiment bizarre.

Donc, j’entendais rien. Et je disais rien.

Chaque jour.

* * *

Heureusement, j’ai jamais vraiment perdu ma passion pour le dessin. La table inclinée que j’avais achetée à Lévis, je l’ai apportée à Sainte-Marie-de-Beauce. J’avais un bureau assez grand, donc il y avait amplement de la place pour mon ordinateur et mon matériel d’artiste.

Je travaillais de soir et j’avais ma routine. Je me levais vers 9 h, je jouais à l’ordinateur ou je dessinais un peu, je dînais, en après-midi, je faisais mes commissions, et vers 3 h 30, je partais chez Olymel. Mon shift commençait à 4 h 30 et se terminait à 0 h 30.

Je gardais mes vieilles habitudes. Mes dessins étaient encore très médiévaux. Mais comme j’avais pas de blonde, pas d’enfants et pas vraiment de responsabilités, je pouvais m’appliquer énormément et, surtout, prendre mon temps.

Un beau jour, j’ai commencé l’illustration d’un guerrier ailé. Je sais pas trop pourquoi. Je pense que j’ai avancé le dessin à tâtons et, réalisant qu’il était placé trop bas sur mon immense feuille, je me suis dit que je devais exploiter tout l’espace. Quoi de mieux qu’une paire d’ailes?

Ça a donné le résultat suivant :

g28

Dans mes folies de consommations, je m’étais acheté un numériseur. Et je voyais souvent, sur Internet, des artistes qui traçaient d’abord un dessin au plomb ou à l’encre, pour ensuite les colorier par ordinateur.

Je me suis dit que je ferais pareil, tiens.

Numériser mon dessin a été fastidieux. Mon appareil ne supportait que des feuilles 8,5 x 11 pouces, et mon illustration avait au moins deux fois cette taille. Il a donc fallu que je le scanne par morceaux pour ensuite le reconstituer avec mon logiciel de prédilection : Print Shop Deluxe. (Photoshop? Pfft!)

J’ai donc commencé ma coloration à la souris, tout en préservant mes traits originaux. J’ai fait l’armure, les vêtements, l’épée…

Et puis là, j’en suis arrivé aux ailes.

Bon.

« Comment est-ce qu’on colore ça, des ailes blanches? »

J’ai choisi un gris pâle, et j’ai essayé de mettre des ombres à travers ça. Mais le résultat donnait seulement l’impression que les ailes du personnage étaient sales. C’était pas élégant.

J’ai donc laissé mon travail en plan quelques jours.

* * *

Au travail, ma bulle devenait de plus en plus épaisse. Ma joie de vivre avait disparu. J’étais devenu un automate. J’entrais au travail, je faisais mon shift, je rentrais, je me couchais, je faisais les activités nécessaires à ma survie, et j’entrais au travail. Mes fins de semaine me faisaient chier, parce que je ne voyais en elles qu’un « court répit » avant le retour au boulot.

C’est là que j’ai commencé à m’imaginer la maison au bord de la plage.

Mes gestes pour désosser mes morceaux de viande étaient rendus des automatismes. Je n’y pensais plus. J’avais atteint le point où je pouvais travailler efficacement tout en parvenant à me projeter ailleurs, complètement ailleurs, et d’y rester. Pour fuir cette vie de fous.

Je m’étais imaginé la maison sur le bord de la plage.

Un endroit parfait. Avec rien autour. Rien. Personne pour me parler de chars-sports-femmes. Pour assurer ma survie, quelqu’un venait m’apporter un peu de nourriture chaque jour et s’en allait aussi vite qu’il était arrivé. Et moi, dans cette maison, je regardais les vagues s’échouer sur la plage et je dessinais toute la journée. Parce que c’était ça qui m’animait encore.

Une telle chose était-elle possible?

Dans ma tête, oui. Parce que j’y allais souvent.

* * *

Dans les brefs moments où je revenais à la réalité, je continuais de créer mes personnages médiévaux à Sainte-Marie-de-Beauce. Il y avait toujours cette illustration de guerrier ailé, inachevé. J’ai fait plusieurs tests pour les ailes, rien n’allait.

Alors, j’ai pété un plomb.

« FUCK IT! », que je me suis dit. J’ai pris n’importe quelle couleur et j’en ai foutu partout. Ce guerrier avait une lueur bizarre qui lui sortait par les yeux, alors pourquoi ses ailes ne seraient-elles pas magiques, après tout?

Ça a donné ce résultat :

L'Ange Arc-en-Ciel.

* * *

Entre mes journées de travail, les dessins se succédaient. C’était vraiment un exutoire. Au cégep, je dessinais pour faire de la BD et rêvais de devenir célèbre, maintenant je dessinais pour fuir. Fuir une réalité intolérable qui, je croyais, ne finirait jamais.

Bien sûr, il y avait des hauts et des bas. Quand venait l’été, les étudiants revenaient chez Olymel, et les sujets de conversation se diversifiaient un peu, mais ça durait seulement quelques mois. À l’époque les réseaux sociaux n’étaient pas encore développés, alors une fois sorti du travail, je n’avais rien pour briser mon isolation.

Et puis, j’ai fini par m’écoeurer du dessin. J’avais alors illustré une cinquantaine de personnages et je les avais remisés dans un grand portfolio. Quelle était la prochaine étape? Aucune idée. Travailler jusqu’à 60 ans et prendre ma retraite? Ça ressemblait à ça.

Un soir, on s’est réunis entre amis et on a décidé de recommencer à jouer à Donjons & Dragons. Je jubilais, tellement que j’ai réaménagé le sous-sol de mon duplex en une salle qui servirait exclusivement à tenir les séances de jeu. Je n’aimais pas les scénarios achetés, je préférais les écrire moi-même. Alors, j’ai commencé à écrire.

* * *

On a joué peut-être une quinzaine de parties, une fois aux deux semaines. On a pu terminer deux scénarios que j’avais écrits. Le premier, Les Sept Défis, se déroulait au Drakanitt oriental dans une ville qui s’appelait Roc-du-Cap. L’autre, L’ombre de l’arc-en-ciel, se passait au Continent-Coloré.

On a eu bien du fun, mais comme mes amis travaillaient ou allaient aux études, le taux d’absentéisme a fini par monter en flèche, jusqu’au jour où on a décidé de laisser faire.

Mes deux scénarios totalisaient environ 150 pages de textes. J’ai trouvé que, comme le dessin, écrire ces histoires était hyper stimulant. J’avais perdu mes joueurs de D&D, mais je pouvais quand même écrire si je le voulais. Sauf qu’au lieu d’être un scénario avec des monstres, des pièges, des trésors, des règles spéciales et des « carrés gris », ça serait un roman.

* * *

J’ai adopté une nouvelle routine à ce moment. Le matin, je me réveillais à la même heure, je déjeunais, et ensuite j’embarquais sur mon ordinateur pour écrire. Parfois, ça pouvait durer toute la journée.

Le sujet que j’ai choisi?

La maison sur le bord de la plage.

Je pensais tellement à ce lieu de rêve que j’ai décidé de le rendre concret, à travers le texte. Cette maison serait un véritable havre de paix isolé de tout. Une jeune femme y habiterait. Tout ce qu’elle ferait de ses journées : peindre. Rien d’autre. Quelqu’un viendrait lui fournir, chaque mois, tout ce dont elle aurait besoin pour vivre : vêtements, nourriture, outils, etc. Elle aurait deux filles jumelles, et ainsi elle demeurerait seule mais ne s’ennuierait jamais (à l’époque, j’avais pas d’enfants, et je n’imaginais pas qu’avec des enfants, t’es JAMAIS tranquille, mais bon…)

Cette femme s’appellerait Mosarie. Et pour le moment, c’était pas mal le sujet principal de mon histoire.

Une histoire qui s’avérait pas mal plate, au fond.

Parce que je décrivais un paradis terrestre. L’étoffer était vital pour moi, car comme je l’ai dit, c’était un exutoire, une manière de fuir. Mais côté intrigue, c’était pas vargeux.

Alors je me suis dit : « OK, admettons que c’est ma situation initiale. Et admettons que tout ce qui est trop beau pour être vrai ne peut pas durer. Que se passerait-il alors? »

Voilà les grandes bases de la série Alégracia. L’histoire était née. Il ne restait qu’à la faire grandir.

* * *

Heureusement, ma situation a commencé à s’améliorer. J’ai éventuellement entrepris les démarches pour sortir d’Olymel, de sorte que je puisse continuer ma vie dans un domaine qui me plairait davantage. Mais tout ne s’est pas fait en une journée.

Je raconterai tout ça dans le prochain billet.

La genèse d’Alégracia #1 : La bande dessinée, c’est fini

Pour raconter les débuts d’Alégracia, on va commencer par la fin.

La fin de la bande dessinée.

Parce qu’avant d’être écrivain, j’étais plutôt spécialisé dans les arts visuels. Ben, peut-être pas « spécialisé ». Disons que j’avais un intérêt marqué pour la chose. J’avais suivi de nombreux cours de dessin durant mon enfance, je faisais de la peinture à l’huile à 13 ans et, franchement, j’étais pas mal du tout. J’arrivais à faire des portraits assez décents.

Portrait

Cependant, j’écrivais pas du tout.

Et j’aimais beaucoup les jeux vidéo. En particulier la série Final Fantasy.

* * *

C’était en 1998 ou 1999. J’arrive plus à m’en souvenir.

J’étais assis dans le bureau de l’orienteur et on cherchait ensemble ce que je pourrais bien faire de ma vie. Parce que comme la plupart des finissants du secondaire, j’avais aucune idée où je voulais aller.

— Qu’est-ce que t’aimes?

— Les jeux vidéo.

(Soupir de désespoir de sa part.)

L’orienteur feuillette donc son manuel des programmes de cégep et me dit :

— Aimerais-tu ça faire des jeux vidéo?

— OUI!!!

Alors il me suggère de m’inscrire au Cégep de Lévis-Lauzon en Arts médiatiques.

PIRE SUGGESTION AU MONDE!

* * *

En fait, le programme était bien correct. Ce qui ne marchait pas, c’était qu’on faisait pas du tout de jeux vidéo. Mais de l’art abstrait, ça oui. (Pardon, de l’art « non figuratif », les profs insistaient jamais assez sur le fait qu’on devait absolument utiliser ce terme.)

On travaillait parfois sur Softimage (la version sur une base UNIX, vous êtes chanceux de n’avoir jamais connu ça, sérieux). Alors quand l’orienteur a vu, dans le carnet des programmes de cégep, qu’on ferait de l’imagerie 3D, dans sa tête, il s’est dit immédiatement : « ILS VONT TELLEMENT FAIRE DES JEUX VIDÉO C’EST LE PROGRAMME PARFAIT POUR CE JEUNE HOMME QUI COMME TOUS LES AUTRES GAMINS DE SON ÂGE NE SAIT PAS CE QU’IL FERA DE SA PEAU D’ACCORD OUI VA EN ARTS MÉDIATIQUES ET SORS DE MON BUREAU AU PLUS SACRANT NEXT ».

Sauf qu’en 3D, on faisait aussi des oeuvres non figuratives.

Je voulais me vomir dessus.

* * *

J’ai enduré le supplice pendant une année complète, à faire de la sculpture, de la peinture, de la 3D, du pastel, de l’aquarelle et tout le tralala, uniquement en « non figuratif ». C’est ben correct, sauf que moi j’allais là pour faire des jeux vidéo.

Pour votre information, en 1999-2000, des programmes pour faire du jeu vidéo, ça existait pas vraiment. Le boom est venu peut-être 5 ans plus tard. En attendant, on n’avait que des programmes qui tâtonnaient le sujet. La seule exception était peut-être le centre NAD, à Montréal, où on apprenait vraiment à faire de la 3D kickass. Mais ça coutait 10 000 $ pour entrer là.

J’avais pas cet argent.

Donc, je faisais du non figuratif.

* * *

Je ne dis pas que l’art abstrait, c’est de la merde. Mon parcours au cégep m’a justement appris à apprécier cette forme d’art et à contempler ces oeuvres d’un nouvel oeil.

Mais à 17 ans, j’aimais pas ça.

Ma seule façon de survivre était de m’isoler dans ma chambre, une fois les cours terminés, de sortir mes papiers et mes crayons, et de dessiner les trucs qui me faisaient vraiment triper.

En gros, c’étaient des personnages aux allures médiévales. Que voulez-vous, j’étais un ancien joueur de D&D…

L’un de ces dessins-là m’a accroché plus que les autres.

Alégracia premier

Je l’ai réalisé sans but précis, commençant par le visage et improvisant pour tout le reste. Même chose pour le nom.

Je l’ai mis de côté, me disant que j’y reviendrais sûrement.

* * *

Une autre manière de passer ma rage était de faire de la bande dessinée.

Avec un de mes amis, j’avais inventé l’histoire d’un squelette qui manie une HACHE SUR UNE CHAÎNE (awesome) et qui voulait se venger de ceux qui ont ruiné son ancienne vie.

Abakoran

Mon projet était si ambitieux que j’ai vraiment joué le tout pour le tout.

Je me suis acheté une table à dessin. Un paquet de nouveaux crayons. Des feuilles de très haute qualité.

J’ai même lâché le cégep. Confiant, tu dis? Ouais.

Dans ma tête, faire de la BD, c’était mon grand projet de vie. Je m’en irais loin avec ça. T’sais, après tout, j’avais les idées, le talent et l’ambition requise. Tout ne peut que bien se passer, right?

J’ai fait trois planches avant de tout sacrer par la fenêtre.

* * *

C’est qu’en BD, voyez-vous, c’est vraiment difficile de faire en sorte qu’un personnage se ressemble d’une case à l’autre. Et force était d’avouer que j’étais vraiment nul pour les expressions faciales. Tous mes personnages étaient neutres. NEUTRES! S’ils devaient être fâché ou triste, il aurait fallu que j’écrive l’émotion textuellement dans leur face. Y’avait rien à faire.

J’aurais bien sûr pu m’améliorer en pratiquant mon tracé, en me perfectionnant, mais à l’époque, j’étais têtu. Il fallait que je sois bon tout de suite.

Tout s’est ramassé à la poubelle.

* * *

Alors là, je me retrouvais à Lévis. J’avais pas d’emploi, je n’allais plus au cégep, et je n’avais aucun projet concret, à part les quelques dessins que j’avais réalisés pour le plaisir, entre mes cours.

Vraiment, la vie s’assombrissait de jour en jour.

J’avais l’impression que je voyais le fond du baril, mais oh-que-le-pire-était-à-venir…

Dans la suite, je vous parlerai de mon premier « vrai » emploi : désosseur dans une usine d’abattage de porcs.

Alégracia est de retour!

Vous étiez plusieurs à vous demander ce qu’étaient les images publiées sur le blogue durant les 7 derniers jours. Quelques personnes l’ont trouvé, sans plus, alors voici la réponse : il s’agissait des valeurs défendues par les anges xayiris dans la série Alégracia.

Pourquoi je les postais?

Parce que je voulais vous « teaser » un peu jusqu’au 12 février, jour où je pouvais enfin annoncer que la série Alégracia sera rééditée!

Le projet sera piloté par la maison d’édition Les Six Brumes, la même qui avait publié la série originale en 2005. C’est un peu comme si c’était une version 10e anniversaire!

Nous publierons la série complète dans un seul volume au format papier, qui paraîtra à l’automne 2015. Les tomes individuels seront également disponibles en numérique dès le 10 mars 2015.

Ne pensez pas qu’on a repris les romans tels quels pour les fusionner dans un gros volume. Mon éditeur et moi avons travaillé d’arrache-pied durant les dernières années sur le texte et tout ce qui va l’entourer. Les 3 tomes (ou 4, si vous préférez) ont été entièrement revus et corrigés. Je me suis efforcé de garder la saveur originale du récit. Pas de changement majeur du côté de l’histoire, donc.

La différence sera surtout sentie dans le style.

Mathématiquement, chaque livre aura maigri d’environ 15 à 20 %, juste en nombre de mots. Et pourtant, la même chose est racontée.

Vous pouvez dès maintenant contempler la magnifique illustration de couverture et voir les principaux personnages sur la page de la série Alégracia, qui sera bonifiée dans les prochaines semaines.

(Et, oui, l’adresse www.alegracia.com mène désormais à cet endroit.)

* * *

Dix années se sont donc écoulées depuis la parution d’Alégracia et le Serpent d’Argent. Ça fait un bail, et on a vécu beaucoup de choses durant cette période!

Des choses que j’aimerais bien vous raconter.

En fait, on va aller plus loin que ça encore : en 2001, à l’époque où je décrochais du cégep et où j’avais ébauché quelques lignes sur l’histoire d’une jeune fille qui vivait avec sa mère et sa soeur, près de la plage.

Qu’est-ce que ça signifie? Simplement que he prépare une nouvelle série de billets sur la genèse d’Alégracia. Question de vous faire patienter :)

À suivre!