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Constats difficiles et retour sur 12 ans de métier

Bon, comme je m’y attendais un peu, la publication de mon billet de lundi a suscité plusieurs réactions sur Facebook. Beaucoup de beaux mots (merci!), parfois un peu de surprise ou d’incompréhension, et même un peu de fronçages de sourcils. C’est normal, vu le ton que j’ai employé. J’assume.

Je pense que j’avais besoin d’écrire ce billet rapidement pour m’obliger à m’exposer à l’univers, par rapport à ce que je ressens vis-à-vis l’écriture et le monde de la publication. Si j’avais attendu, j’aurais sûrement supprimé mon brouillon et continué de travailler comme si de rien n’était. Il fallait pas. J’ai appuyé sur « Publier ».

Grâce à vos commentaires et le peu de temps qui s’est écoulé depuis lundi, j’ai pu réfléchir à tout ça, à ce que je ressens face à l’écriture et au chemin que j’ai parcouru depuis 2005, soit la date de publication d’Alégracia et le Serpent d’Argent, mon premier livre.

Voyons-les ensemble, pour que vous compreniez pourquoi j’en suis rendu là.

L’échec de la publication du roman Les vieilles rancunes n’est que la cerise sur le sundae

Bien des gens m’ont dit sur Facebook que c’était normal que Les vieilles rancunes ne vende pas, parce qu’il est surtout disponible en numérique et que le numérique ne vend pas.

D’abord, ce n’est pas tout à fait vrai : ma réédition d’Alégracia s’est vendue à plusieurs centaines d’exemplaires en Europe depuis sa parution en 2015. Bien que les ventes aient ralenti depuis ce temps, ça reste tout de même un bon vendeur. J’avais donc une donnée concrète sur laquelle je pouvais baser mes attentes.

Il demeure que l’échec du lancement du roman Les vieilles rancunes est loin d’être l’unique évènement qui a nourri mon désarroi. C’est pas mal tous les livres qui ont suivi Alégracia, en fait. Je l’ai expliqué à quelques personnes, mais Alégracia a quand même connu un bon succès à sa sortie. On en a vendu quelques milliers avec les moyens du bord. C’était fantastique. Toi et moi, it’s complicated a beaucoup fait jaser à sa sortie, et les chiffres étaient au rendez-vous. Ça a un peu moins été le cas pour Roman-réalité. La série Les clowns vengeurs a eu beaucoup de mal à se tailler une place en librairie et les ventes sont restées très modestes. Bienvenue à Spamville a complètement passé sous le radar, et maintenant que la maison d’édition Porte-bonheur a été rayée de la carte, je me suis retrouvé avec plein de caisses d’invendus à la maison. Le mois dernier, j’ai lancé Les vieilles rancunes, et j’ai rien vendu.

Vous voyez le pattern?

Ça va en descendant.

Je n’ai pas réussi à « construire » mon lectorat au fil des ans

Chaque fois que j’investissais du temps et de l’argent dans la promotion ou un salon du livre, je me disais que j’investissais dans ma carrière. J’avais l’impression qu’en élaborant des stratégies nouvelles, en me rendant sur place dans les salons, en rencontrant les lecteurs et en vendant des livres, je me construisais un lectorat qui reviendrait me voir année après année, et qu’au bout d’un temps, je finirais par être assez connu, je n’aurais plus besoin de faire des efforts soutenus pour sortir de l’ombre; la boule roulerait toute seule.

Ça n’a pas été le cas. Douze ans après mon premier salon du livre, je réalise que tout est à refaire à chaque fois. Certes, des lecteurs sont fidèles au poste (et je vous en remercie!), mais j’ai toujours un peu l’impression que chaque salon est mon premier salon. Qu’à chaque fois que j’ai un nouveau livre, c’est comme mon premier (sans l’enthousiasme suscité par la venue d’un nouvel auteur).

Ainsi, l’idée de « construire » un lectorat n’a pas fonctionné. Je me suis peut-être trop diversifié dans mes genres littéraires, les lecteurs n’ont pas suivi : rien ne garantissait qu’une personne ayant aimé Alégracia aimerait Bienvenue à Spamville et vice versa.

Bref, le lectorat que je gagnais avec un livre, je le perdais au suivant.

Aujourd’hui, à quelques exceptions près, je considère que je n’ai pas vraiment de lectorat. Constat dur, mais constat réaliste.

Ce blogue ne sert pas mes besoins réels

Plusieurs m’ont dit que mon blogue intéresse surtout les apprentis écrivains, et non les lecteurs de fiction, et que pour cette raison, mes fans ne veulent pas lire mes romans. C’est vrai pour le public cible du blogue. Mais je demeure tout de même perplexe : plein d’auteurs n’ont pas de blogue et réussissent quand même à attirer une bonne foule devant leurs nouveautés.

Certains étaient également choqués par mon billet de lundi et m’ont dit qu’il se sont sentis visés et qu’il fallait que je supprime l’article, sans quoi « ils arrêteraient de me suivre ». À ça j’ai répondu que je suis avant tout un écrivain, et non un blogueur. Et j’avoue que ça m’a étonné de recevoir ce genre de commentaire. Ça sonnait un peu comme si arrêter de me suivre équivalait à arrêter de m’offrir un privilège, alors qu’en réalité, il me semble que c’est l’inverse : c’est moi qui offre du contenu depuis des années sans rien demander en retour.

« Sans rien demander en retour. » En fait, c’est faux. En septembre, j’ai formulé une demande. J’ai voulu qu’on lise mon livre. Et ce, après avoir fourni du contenu gratuit pendant des années.

C’est là que j’ai réalisé la relation malsaine que j’entretenais avec ce blogue. Une relation à sens unique où je donne, donne, donne.

Je suis vidé.

Qu’on se le dise : les relations à sens unique, c’est fini pour moi.

Je suis un écrivain. Je veux qu’on lise mes livres. Point final.

Et la suite?

La série Le fléau de Roc-du-Cap tombe en veille

Dans sa formule de publication actuelle, cette série ne fonctionne pas. Je n’écrirai pas un livre en sachant qu’il va vendre 6 copies dans le mois de lancement, ce serait ridicule. Ainsi, je vais la mettre en veille jusqu’à nouvel ordre.

Je serai ouvert à toute offre d’éditeur qui voudrait bien reprendre le projet, mais pour le moment, je n’ai pas l’énergie pour aller faire de la sollicitation directe. Je demeure simplement ouvert. Si vous êtes éditeur, n’hésitez pas à m’écrire.

L’infolettre tombe en veille

Cette infolettre est très chronophage. Même si les abonnés que je rencontre en personne m’avouent que son contenu est utile, ce système est le morceau principal de la relation à sens unique que je désire éliminer. Les abonnés lisent le contenu de l’infolettre, mais en retour, ils ne lisent pas mes livres. Objectif non atteint. Je dois maintenant penser à moi.

L’infolettre ne cessera pas d’être diffusée. Seulement, ça redeviendra une lettre automatique contenant un résumé autogénéré des publications sur le blogue. Comme ce l’était avant.

Livre d’adieu : Comment écrire plus

Étant donné qu’on m’a dit que mon blogue s’adressait avant tout aux apprentis écrivains, il me semble logique de mener à terme mon guide d’écriture Comment écrire plus, qui garde quand même un bon potentiel de vente. De plus, le premier jet est terminé, la révision avance à bon train. Ça vaut la peine de fournir un dernier effort pour me rendre à la ligne d’arrivée.

Ce sera sans doute ma dernière publication sous mon vrai nom.

Pause d’écriture avec suite sous pseudonyme

J’ai donc l’intention de prendre une pause d’écriture pour faire le point et pour voir si mon feu intérieur ne s’est pas complètement éteint.

Si je renais de mes cendres, ce sera sous un autre nom. Ça fait longtemps que je veux publier sous pseudonyme. Je ne veux pas répéter les erreurs du passé. De transporter le nom « Dominic Bellavance » dans mes prochaines publications ne me servira à rien : je n’ai réussi qu’à semer la confusion chez mon lectorat et j’ai développé une identité autour de « l’aide aux apprentis auteurs ». Je veux aller ailleurs.

Ce nouvel écrivain restera cohérent avec lui-même. Il n’aura pas de blogue, pas d’infolettre, pas de followers sur les réseaux sociaux. Ce sera juste lui et ses livres.

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