Tout d’abord, je dois remercier Dominic pour cette charmante idée que de m’inviter, le temps de quelques billets, sur son blogue. Le concept d’invité du mois est très intéressant, et pour être tout à fait franc, je suis plutôt flatté que Dominic ait pensé à moi. D’ailleurs, peut-être devrais-je sommairement me présenter avant d’aller plus loin : je m’appelle Guillaume Voisine, j’habite à Montréal, je suis écrivain (uniquement de nouvelles, pour l’instant) et je dirige depuis 2006 Brins d’éternité, une revue littéraire exclusivement consacrée aux littératures de l’imaginaire (science-fiction, fantastique, fantasy). Je suis actuellement inscrit à ma deuxième session de maîtrise en études littéraires, profil création, à l’UQAM.
Ce petit résumé n’est pas innocent: il contient à peu près tout ce dont je parlerai ici au cours du prochain mois (sauf peut-être pour ce qui est d’habiter à Montréal. J’aime la ville, c’est tout). Il sera question de mon expérience d’écrivain, bien entendu, mais aussi de mon poste de directeur littéraire, qui me permet de considérer la pratique de l’écriture sous un autre angle. Finalement, je glisserai quelques mots à propos du milieu littéraire universitaire, particulièrement par rapport à la création, pour tenter de donner une idée claire à ceux et celles qui seraient tentés de suivre ce chemin d’études.
Mais alors, pourquoi ce titre, Créer et détruire? Certaines mauvaises langues diront que si « créer » se rapporte à ma vocation d’écrivain, « détruire » fait référence à mon poste de directeur littéraire, où je m’amuse à ruiner la vie des aspirants auteurs en étant très très méchant et en riant de façon sadique. Mais dans les faits, c’est plus compliqué que ça. Et je ne suis pas si tyrannique. Enfin, juste assez.
Créer, comme vous l’aurez deviné, c’est l’écriture, c’est l’art de construire un monde, de le peupler de personnages, d’y mettre en scène des aventures, des alliances et des trahisons. Bref, de donner naissance à un univers (qui peut ressembler au nôtre ou en être radicalement différent) et d’y insuffler la vie. Maintenant vous savez pourquoi la plupart des auteurs sont mégalomanes. Créer, aussi, de mon point de vue, se rapporte à mon travail de directeur littéraire, où je dois discuter, négocier avec d’autres écrivains pour m’efforcer de les pousser à améliorer leur texte, à approfondir leur réflexion sur le monde, sur leurs personnages, sur leur écriture.
Et détruire?
Écrire, n’est-ce pas aussi réécrire, prendre un bloc de mots et le façonner jusqu’à ce qu’il prenne la forme désirée, rejetant, au cours de l’opération, quelques mots, quelques phrases, quelques paragraphes, parfois.
Élaborer un univers, c’est en forger les continents, mais aussi les faire sombrer dans l’océan; c’est en écrire la genèse, mais aussi l’apocalypse; c’est inventer des cultures, des races, des sociétés au profit de d’autres, qui auraient pu voir le jour sous la plume, mais qui ont été rayés, à un moment où à un autre, pour une raison ou pour une autre.
Faire vivre ses personnages, en découvrir la psychologie, c’est aussi éliminer ceux qui ne cadrent plus avec l’intrigue, avec l’histoire que l’on veut écrire. Il n’y a pas de mal à ça: c’est tout à fait normal. L’écrivain est un tueur en série (si, si).
Vous voyez où je veux en venir: pour moi, la destruction est, au même titre que la création, une étape du processus d’écriture. Créer et détruire, deux extrêmes: on pourrait dire, en fait, que l’écriture est la tension entre ces deux pôles, mais ce serait peut-être un peu trop universitaire (on ne se refait pas).
Peu importe la façon dont on formule ça, finalement, c’est à travers ces deux idées complémentaires que je conçois la littérature, que je la pense, que je la vis.