Libre aux internautes de critiquer les livres qu’ils lisent sur leur blogue, fil Twitter ou statut Facebook. Je n’ai rien contre la liberté d’expression sur les plates-formes publiques. Dans ces cas, les critiques sont écrites par quelqu’un, sont signées et assumées. Ça nous permet de comparer nos gouts avec cette personne pour savoir si au bout du compte, ce livre va nous plaire ou non.
Il existe néanmoins certains endroits où la critique n’est pas justifiée.
Je me souviens qu’au congrès Boréal, quelqu’un avait souligné que le livre La peau blanche de Joël Champetier avait reçu une critique négative sur le site des Bibliothèques de Québec. Je cite en entier le texte qu’on y retrouve :
La rousse flamboyante dont le héros, étudiant en littérature, est amoureux est-elle une créature démoniaque comme le craint un colocataire haïtien? Quoique bien incarné dans une quotidienneté vraisemblable, ce récit laborieux manque de rythme. [SDM] (source)
Notez bien, cette critique est classée sous l’étiquette « Résumé », et non « Critique ».
D’où ce texte est-il tiré? SDM, un acronyme qui signifie Services documentaires multimédias. C’est une compagnie qui fournit aux bibliothèques de la documentation sur les œuvres littéraires et les périodiques publiés chez nous. Ils permettent aux bibliothécaires d’économiser un temps fou puisque ceux-ci, comme d’autres professionnels du milieu, ne peuvent lire tout ce qui se publie.
Or, ce service offre aussi d’évaluer les livres avec un indice de valeur/utilité et une annotation, comme celle que l’on retrouve ci-dessus.
La chose n’est pas mauvaise en soi. Un bibliothécaire a le droit de connaître la qualité hypothétique d’une oeuvre. Ça l’aide à s’orienter dans ce charabia. Ce que je déplore, c’est le fait que ces données soient offertes au grand public.
Les bibliothécaires savent comment interpréter une critique de deux lignes. Il faut la lire avec un grain de sel. Or, si je suis un simple abonné à ma bibliothèque, que je me rends sur le site et que je désire emprunter La peau blanche, je lis directement que ce livre est « laborieux et manque de rythme ». Je ne comprends pas nécessairement d’où vient cette critique et je me demande, du même coup, si je dois me considérer comme un imbécile pour aimer Champetier.
Première chose qui me vient en tête : « Ben pourquoi vous me l’offrez si vous pensez que c’est de la marde? » Deuxième chose : « Vous êtes qui, vous, pour juger les livres que je veux lire? » Parce que je ne suis pas un bouquineur, vous le savez. Quand j’achète un roman ou que j’en emprunte, j’ai un titre en tête. Je me le suis fait conseiller par quelqu’un, j’ai lu une critique dans une revue, un internaute en a parlé sur son blogue, etc.
J’ai pris une décision informée.
Quand mon choix est fait et que je désire me procurer un livre, ce n’est pas le moment de me balancer une critique de deux lignes en pleine gueule.
La plupart du temps, les « Résumés » offerts sur le site des Bibliothèques de Québec sont neutres, comme c’est le cas pour Toi et moi, it’s complicated ou Alégracia. Je suis chanceux. Mais lorsque les textes descriptifs sont teintés par l’opinion d’un critique anonyme, comme c’est le cas pour La peau blanche ou même Arielle Queen, ça ne fonctionne plus.
Je ne dis pas que les critiques sur le site des Bibliothèques de Québec sont toutes mauvaises. Certaines sont étoffées, comme celle qui concerne le Talisman de Nergal. Mais elles restent quand même anonymes et, par conséquent, n’ont pas leur place dans une institution qui offre des livres directement au public.
Je crois que la SDM devrait au moins spécifier le nom de ses critiques au public. Se cacher derrière l’acronyme d’une institution ne fonctionne pas pour des textes aussi subjectifs. Dans le Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, par exemple, chaque article (très subjectif aussi) est signé. Pourquoi la SDM ou les bibliothèques ne pourraient-elles pas en faire autant?
Le nom de l’auteur d’une critique, c’est crucial. Si j’ouvre le journal Le Soleil et que je lis une critique négative de Didier Fessou sur tel roman, je vais probablement aimer l’oeuvre en question. Et vice versa.
Quand un libraire me recommande un livre, son opinion vient de lui, en particulier. Ce n’est pas l’opinion de toutes les librairies. Seulement la sienne.
Pour rectifier la situation, le site des Bibliothèques de Québec devrait :
Une bibliothèque qui n’est pas neutre dans son offre, c’est exactement comme si elle classait une partie de ses livres dans la section « Mauvaise littérature ». Ça n’a pas de sens, à notre époque. Il me semble qu’on s’est affranchi de cette catégorisation arbitraire lors de la Révolution tranquille.
* Note : je viens de remarquer que la situation s’applique autant aux Bibliothèques de Québec qu’à celles de Montréal.
Mise à jour : J’ai retiré tous les liens de livres qui menaient au site des Bibliothèques du Québec. Apparemment, 15 minutes après la publication du billet, les pages affichaient « Désolé, session expirée ». Ainsi, pour vérifier les critiques de livres dont je fais référence, allez sur la page d’accueil et tapez les titres des romans dans le champ de recherche « Catalogue Astrolabe ». Désolé pour l’inconvénient.
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Très ordinaire, en effet.
Évidemment, j'ai tout de suite voulu voir de mes yeux, donc j'ai fait ce que tu as dit: titre du livre dans Catalogue astrolabe et, pour le livre que j'ai cherché, j'ai obtenu le mot "Résumé", résumé tout à fait neutre d'ailleurs.
Alors je ne sais pas trop où sont publiées ces critiques.
Je vais chercher encore un peu.
J'ai cherché les miens: fiou! le résumé est neutre, quand il y en a. Mais contente que tu m'aies fait découvrir SDM.
Tes billets sont souvent très pertinents. Ça peut paraître un détail anodin, parce que ça n'a pas l'air d'arriver souvent, mais une fois, c'est déjà trop. Merci d'être vigilant.
Je trouve ce billet intéressant. Je partage vos commentaires sur le sujet. Dans ce cas, il devrait être clairement indiqué que c'est une critique et non un résumé. Ultimement, si le nom du critique est cité, il devrait y avoir un lien pour nous permettre de voir toutes ses critiques. Cela pourrait nous aider à mieux 'doser' ses propos et nous faire une meilleure idée des affinités que l'on peut avoir avec son appréciation (ou pas) des oeuvres.
J'ai le cuir assez épais pour la critique. Sur le principe même, j'apprécie que tu ailles "au bat" pour les autres, mais je ne sais pas trop quoi en penser moi-même. Après tout, les critiques de film dans le TV Hebdo sont anonymes... Sans doute que, dans ce cas, il se pose une question pratique. À la quantité de films qui sont critiqués, ce serait un fouillis de noms de critiques. Je veux bien t'accorder que ce n'est pas un idéal à suivre.
Ce qui est un peu curieux ici, c'est l'aspect marginal de cette critique anonyme. Généralement les critiques s'accordent pour dire que, faute d'autre qualités, le rythme est vif. Le roman est court, les péripéties nombreuses. Quoiqu'il advienne, merci de m'avoir signalé ce problème. Et je te rassure: aimer mes oeuvres ne fait de personne un imbécile! :-)
Ouf! Je commençais à m'inquiéter, hein, moi j'ai bien aimé La peau blanche... ;)
Excellent billet, Dominic, tu soulèves un bon point ici. C'est bien beau de critiquer, mais encore faut-il que la critique soit signée... Sinon, un résumé neutre sera beaucoup plus approprié.
Joel : Ce que je crois qui m'agace, c'est le fait qu'ils portent un jugement sur les oeuvres qu'ils offrent. Le TV Hebdo n'est pas (directement) un cablo-distributeur, mais pourrait être comparé à ce que Lurelu fait, par exemple.
C'est un peu comme si le cinéma Le Clap, dans sa revue mensuelle, donnait des critiques négatives aux films qu'il met à l'affiche.
J'avais remarqué la même tendance sur le moteur de recherche des bibliothèques de Montréal. En fait, la qualité du résumé varie énormément d'une oeuvre à l'autre. Pour les livres où ça devient carrément une critique (bonne ou mauvaise), c'est déplacé.
Je pense que l'élément important, c'est qu'une notice de livre est avant tout un RÉSUMÉ. Une critique ne résume pas nécessairement bien un livre.
Je crois que ça dépend de la personne qui entre la notice dans le catalogue. Il y a un certain manque de jugement à y inclure des critiques flagrantes.