Il me semble qu’un phénomène a tendance à s’accroitre sur le Web : des écrivains sur des réseaux sociaux qui se vantent sporadiquement d’avoir écrit 2000, 3000 ou 4000 mots aujourd’hui, dans leur nouveau bouquin.
Avant, ce genre de commentaire m’impressionnait. D’abord, parce que j’écris lentement. Pas trop lentement. Juste assez. Après avoir gribouillé quelques paragraphes, je reviens dessus plusieurs fois pour retravailler les phrases, leur donner un peu de style, de la couleur.
Certains produisent la phrase parfaite dès le premier jet. Tant mieux pour eux! Mais je n’ai pas cette aptitude.
Aujourd’hui, les écrivains qui écrivent plus vite que leur ombre, ça me laisse indifférent. Non, faux. Ça m’agace un peu.
Je connais plusieurs auteurs qui se mettent une pression incroyable sur les épaules. Ils veulent écrire le plus de livres possible dans des délais très restreints. Et pourquoi cela?
« Si je veux survivre dans ce milieu-là, je dois sortir beaucoup de livres. Sinon, on va m’oublier. »
J’ignore quel but est recherché par là. Pense-t-on que parce qu’on publie beaucoup de livres, on est nécessairement un meilleur écrivain? Que la quantité nous assure une reconnaissance des lecteurs, du milieu et des critiques? Qu’en publiant beaucoup, on fait beaucoup d’argent?
Plusieurs sont capables d’écrire 4000 mots excellents. Mais je sais que certains accélèrent le processus au détriment de la qualité. Et ils le font volontairement.
Je ne comprends pas ceux-là.
Il me semble que c’est en produisant de bons livres qu’on reste dans la mémoire des gens. Un écrivain qui se force à écrire beaucoup manquerait-il de confiance en soi, se sentant incapable de produire le bon livre, celui qui le propulserait au sommet des palmarès? (remarquez que bon livre ne signifie pas nécessairement bestseller, mais ça, c’est un autre débat)
Au lieu de lire : « Aujourd’hui, j’ai écrit 5 millions de mots dans mon livre », je préférerais nettement qu’on dise : « Je viens de chier un ostie de bon chapitre! »
Et ces éditeurs qui mettent de la pression sur leurs auteurs font aussi partie du problème. Pourquoi vouloir sortir autant de livres, si vite? Oui, oui, je sais, si on ne mitraille pas le marché avec les nouveautés, on va se faire bouffer tout cru par les autres. Hmm…
Rappelez-vous ceci : en amputant un roman de centaines d’heures de travail, vous l’amputez de sa qualité de manière proportionnelle.
Respecter le roman, c’est lui donner le temps qu’il mérite. Et respecter son roman, c’est respecter son lecteur. Pensez-y.
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Comme je suis heureux d'entendre ces mots ailleurs que dans ma tête ! Mieux vaut travailler un roman pendant deux ans que d'en sortir trois relativement bons en l'espace d'une année – du moins je pense...
À force de constater à quel point certains écrivent "plus vite que leur ombre", je développe peu à peu le complexe de la lenteur !...
Je suis d'accord. Ecrire, c'est une question de création, une histoire d'émotion, d'inspiration. Et j'ai peur de rater le coche si je vais trop vite. Et comme David l'a écris plus haut, quand on est lent on a l'impression que ce n'est pas normal, et on se remet en question. Alors merci pour cet article qui rassure et surtout qui dit vrai.
Une fois par année, je me permets un marathon. Le reste du temps, je suis comme toi : je prends mon temps, je ré-écris, je retravaille.
Et moi aussi je trouve un peu étrange les gens qui écrivent à un rythme d'enfer toute l'année.
Parce que je ne le cache pas : mes résultats du Nanowrimo sont entre très moyens et archi-nuls. Mais ça me permet de jeter le squelette d'un truc sur papier, en m'autorisant, pour une fois, à ne pas perdre mon temps avec la façon dont j'écris.
Les marathons, c'est fait pour se sortir nos premiers jets de la tête je pense.
Je n'osais pas. Quand un tiers parle de chiffres pour mettre en mots des idées, je décroche.
Encore plus quand on se sent obligė d'écrire sur ces mêmes chiffres qu'on atteint pas.
Expérience intime qu'est l'écriture...
Merci Dominic!
(Je retourne dans ma hutte)
Gen : Le Nano, je n'ose même pas y toucher. Je vomirais sur mon travail en voyant le résultat, et probablement que le vomi l'embellirait.
Expérience intime, comme dit François. Mais moi je vais dans l'autre sens.
C'est quand je ne réussis qu'à pondre péniblement 200-300 mots que j'ai l'impression de perdre mon temps, de ne pas «connecter» avec mon roman.
Au contraire, quand, après des heures qui filent comme des minutes je réalise que j'ai lancé un gros paquet de mots sur l'écran, j'ai l'impression d'avoir pris soin de mon texte. D'avoir été à l'écoute des émotions et tout et tout.
Remarque, ça ne veut pas dire que ce que j'ai écrit ne mérite pas d'être révisé par la suite.
Tu ne seras pas étonné d'apprendre que ça rejoint ce que l'ANEL soulevait dernièrement. Il n'y a pas nécessairement trop d'écrivains au Québec, le problème est plutôt que plusieurs produisent trop dans une même année, ce qui crée un marché inondé où l'on se perd un peu...
Et la pression, qu'elle vienne de soi-même, du lectorat ou de l'éditeur, est rarement positive. Elle a plutôt un effet contraignant et freine la création... J'en sais quelque chose :(
Perso quand je fais une séance de 1000 mots je suis bien contente, et comme Gen, je fais le Nano une fois par an pour m'amuser et sortir un premier jet. Par contre, il faut quand même préciser que ceux qui écrivent jusqu'à 4000 mots par jour le font à temps plein. C'est sans doute plus "facile" d'écrire 4000 mots réparti sur 3-4 séances dans la journée.
Pat : je comprends la nuance entre les deux situations. Moi-même, quand j'embarque pour de vrai dans mon texte, je peux me rendre assez loin. Le phénomène que je souligne, ce sont les écrivains qui accélèrent volontairement juste pour produire plus. Avoir un élan d'inspiration, c'est bien différent ;)
Elisabeth : Tout ce phénomène nuit à la littérature d'ici, à mon avis. Que l'ANEL le reconnaisse, c'est déjà ça.
Je précise que durant le Nano, je travaille sur des projets auxquels je crois un peu moins. Des trucs qui me hantent, mais dont je me dis "pas sûre que c'est original".
Par contre, un peu comme Pat, des fois il m'arrive, dans d'autres projets, d'entrer "dans la zone" et de me mettre à pianoter comme une folle, avec d'excellents résultats. (Ma nouvelle "Le Double" s'est écrite dans cet état de grâce, en un jet qui n'a presque pas été retravailllé).
Par contre, dans ce temps-là, comme tu dis, j'ai plutôt tendance m'exclamer que j'ai pondu une nouvelle ou un chapitre, plutôt que "hé, j'ai écrit 4000 mots!"