Dans le précédent billet, j’ai raconté comment j’avais présenté mon manuscrit d’Alégracia aux Six Brumes (durant un lancement, ouain) et que mon histoire avait été acceptée.
Il restait encore plusieurs mois avant la publication officielle du roman, et on se questionnait sur la page couverture. Qu’est-ce qu’on ferait? Un personnage? Un dessin d’ambiance? De l’art abstrait? J’avais un peu d’expérience en dessin, mais je n’avais jamais créé d’illustration destinée à la commercialisation. L’idée de prendre ça en charge m’angoissait pas mal. Oui, c’est moi qui avais convaincu Marki de m’occuper de la couverture d’Alégracia, mais après qu’il avait dit « oui », j’ai paniqué.
D’ordinaire, dans la fantasy héroïque, les couvertures des livres présentent des illustrations très réalistes. C’était la norme (et ce l’est encore aujourd’hui). J’avais donc le choix : devais-je me conformer à ce qu’on retrouvait sur le marché? Ou valait-il mieux dévier pour se faire remarquer? Comme c’était mon premier livre, j’ai choisi d’y aller avec prudence.
Ce serait réaliste.
Sauf que mes anciennes expériences en BD m’avaient montré que les proportions, c’était pas mon fort. Et surtout : j’avais de la misère à mettre mes personnages en action, dans un environnement, sans que ça ait l’air fake. Pour faire un « design » de base, ça allait. Mais une page couverture? Big deal.
Je me suis dit que j’aurais besoin d’aide.
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Comme je l’avais déjà mentionné dans un autre billet, en 2005, j’étudiais en Techniques d’intégration multimédia au Cégep de Sainte-Foy. L’abattoir, c’était fini depuis 2003. J’avais donné ma démission et je n’avais pas l’intention de revenir en arrière. La page était tournée.
Étudier dans le domaine du Web et de la conception graphique m’avait beaucoup aidé à promouvoir mon projet Alégracia (on va appeler ça « projet », car l’objet livre était encore loin dans le futur). J’avais réalisé le site Alégracia.com (qui n’existe plus aujourd’hui), où je présentais ma série, ainsi que plusieurs dessins des personnages principaux. (On peut retrouver une partie des médias, qui étaient sur ce site, sur la page actuelle de la série Alégracia.)
J’avais même développé un blogue en HTML, sans CMS. Ça signifie que pour écrire un billet, je n’avais pas d’interface de rédaction comme on en retrouve sur Blogger ou sur WordPress. Non. Ça aurait été trop facile. Pour mettre mon site à jour, je devais aller jouer dans le code, effacer le dernier billet (et optionnellement le copier dans un fichier .txt pour mes archives), copier le code HTML d’un billet vierge et le coller dans le haut de la page. Puis, enfin, écrire le texte de ma maudite nouvelle.
C’était pas de la tarte. Mais je l’ai mis à jour pendant quelques années.
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Un beau jour, je suis parvenu à créer une nouvelle version de mon site avec une « interface d’écriture », qui me simplifierait énormément la vie. Je mets l’expression entre guillemets, parce que c’était assez basique. Et plein de bogues. Au moins, mes profs de cégep ont pu m’aider dans mes démarches. Ils étaient vraiment gentils et patients.
C’est à ce moment que les gens dans la technique ont appris que j’allais publier un livre à l’automne.
Les nouvelles voyageant vite, un de mes profs est venu me voir pour qu’on puisse jaser un peu de nos projets artistiques, qu’on menait tous les deux en marge de nos vies scolaires. Son nom est Jean-Sébastien Lessard. Lui, son truc, c’était la bande dessinée et le croquis de personnages SF.
Ah, ouais? Intéressant…
Il m’a montré son portfolio (fort impressionnant), et ça m’a incité à faire le saut : je lui ai demandé s’il souhaitait participer à l’élaboration de la page couverture du premier tome d’Alégracia.
Je n’ai eu aucune difficulté à le convaincre. Il a dit oui tout de suite.
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J’ai expliqué la situation aux Six Brumes, et j’ai obtenu mon feu vert.
On s’est donc assis, Jean-Sébastien et moi, dans son bureau. On a jasé illustration.
J’avais apporté un portfolio rempli des croquis de mes personnages (le même que je montrerai dans les salons du livre un peu plus tard). Ça l’a allumé. Je crois qu’il aimait beaucoup l’univers, et en plus, ces dessins lui permettraient de travailler sans se taper les 400 pages du roman pour avoir les descriptions de mes personnages.
On a jasé de l’histoire en général, espérant trouver une « scène » du livre qui irait bien sur la couverture. Aujourd’hui, en écrivant ce billet, je réalise qu’on manquait assez d’expérience, à l’époque. Pourquoi s’être limité à une « scène »? Pour une illustration de couverture, on peut faire à peu près n’importe quoi. Par exemple, est-ce que l’affiche du premier Star Wars est une scène du film? Pas vraiment, et pourtant, ça a attiré les foules au cinéma.
Bref, on a analysé le défi sous un seul angle, alors qu’il y avait plusieurs voies à explorer.
On a quand même décidé d’illustrer la scène où Alégracia découvre la fleur de givre, comme c’est un des tournants majeurs de l’histoire.
On voulait aussi travailler en équipe. J’étais nul pour illustrer des scènes complètes, mais je me sentais capable de faire une belle coloration numérique, si seulement on me fournissait un dessin contour très précis. On s’est donc séparé le travail : Jean-Sébastien ferait le crayonné, et je ferais le rendu final avec Photoshop.
Pour être certain d’être à la hauteur, je me suis acheté une tablette graphique (eh oui, avant, je coloriais à la souris…)
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Quelques jours plus tard, je recevais le dessin contour au plomb :
Comme j’avais un scanneur de merde, il a fallu que je numérise cette grande image en 3 morceaux pour qu’ensuite je les « recolle » avec Photoshop.
J’ai ensuite procédé à la coloration. J’étais à la fois perfectionniste et amateur (étant donné que j’apprenais en même temps comment fonctionnait une tablette graphique). Ça m’a donc pris plusieurs semaines d’essais et d’erreurs pour en arriver à ce résultat :
En 2006 et 2007, Jean-Sébastien et moi avons fait équipe, de la même manière, pour réaliser les couvertures des deux parties du second tome.
Voici le résultat du travail pour Alégracia et les Xayiris vol. I :
… et pour Alégracia et les Xayiris vol. II :
Ci-dessus, on peut remarquer qu’entre les 2 esquisses d’Alégracia et les Xayiris vol. II, j’avais demandé à Jean-Sébastien de grossir la main de la créature, pour que le lecteur ait l’impression de se faire inviter à l’intérieur du livre.
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Ayant finalisé l’illustration d’Alégracia et le Serpent d’Argent dans les délais prescrits, on a pu imprimer le livre et le lancer le 18 septembre 2005, à Saint-Odilon-de-Cranbourne, mon village natal. Et après ce lancement, le roman (et toute la série) a pu commencer sa vie dans les librairies, les salons du livre et, conséquemment, chez les lecteurs.
Ça n’a pas été de tout repos.
On en parlera dans le prochain billet.
Autres articles dans ce dossier :
- La genèse d'Alégracia #1 : La bande dessinée, c'est fini
- La genèse d’Alégracia #2 : Les années sombres
- La genèse d’Alégracia #3 : La lumière au bout du tunnel
- La genèse d’Alégracia #4 : La communauté HorreurQC
- La genèse d’Alégracia #5 : La couverture du premier tome
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