J’ai lu hier l’article de Marie-France Bazzo qui traite de la hausse des frais de scolarité à l’université en comparaison au taux alarmant d’analphabètes au Québec :
Dans tout ce bruit autour du dégel ou non, il y a comme un silence assourdissant. 49 % de nos concitoyens sont analphabètes ou ont de trop faibles compétences en lecture pour accomplir les tâches du quotidien au travail et dans la vie courante (selon Statistique Canada, 16 % des adultes québécois âgés de 16 à 65 ans sont analphabètes et 33 % ont de grandes difficultés de lecture).
Dans les commentaires du même article, on dénonce entre autres la qualité de l’enseignement et le nombre trop grand d’élèves dans les classes…
Je ne veux pas faire mon gros « Roger » qui s’écrit : « Moé je’l’sais c’qui faut faire… », mais il me semble que l’analphabétisme se combat directement par la lecture. Le rôle de l’école (primaire, secondaire et cégep) devrait servir de passerelle aux étudiants et les inciter à lire plus. Comment? En cessant de leur faire lire du Victor Hugo.
Je n’ai rien contre Victor Hugo, mais…
… il me semble que si on faisait lire des livres que les jeunes aiment vraiment, ils liraient plus. Donnez-leur Aurélie Laflamme. C’est trippant, du Aurélie Laflamme quand tu es au secondaire (et dans mon cas, quand tu as 28 ans). Donnez-leur des romans d’aventures, de la junk commerciale, comme certains « littéraires » aiment qualifier ces œuvres au vocabulaire souvent simpliste qui, pourtant, mériteraient plus d’attention en milieu scolaire. Peut-être qu’en proposant des livres d’horreur au p’tits gars pour leur prochain travail d’analyse, ceux-là finiraient par lire une vingtaine de ces romans avant l’âge adulte. Mais ils n’auront pas lu du Victor Hugo. Une erreur de parcours?
Banissez le junk des cafétérias, laissez-le entrer dans les bibliothèques. Professeurs, donnez du fast-food littéraire à vos élèves; vous n’aurez plus besoin de leur faire avaler les mots avec un bâton.
Peut-être que dans dix ans, lire le journal sera moins éprouvant.
Je suis tout-à-fait d’accord (qu’il est brillant l’homme qui écrit ce blogue, j’aimerais le connaître davantage). Mais un bon mélange de tous les genres est intéressant aussi. Je me souviens qu’au secondaire j’ai lu des classiques (Germinal, qu’on était pas obligés de lire au complet) et des livres plus « mainstream » (Les vélos n’ont pas d’états d’âme de Michèle Marineau, Harry Potter dans mon cours d’anglais). Certains jeunes vont aimer les classiques, après tout, même s’ils sont probablement moins nombreux. Ce mélange est possible seulement si plusieurs livres sont au programme chaque année, par contre.
moi j’opterais pour les extraits plutôt que les gros romans au complet, surtout quand on parle de classiques. Mais je suis de l’école de pensée qui croit qu’il est important d’outiller les jeunes à lire avant de leur faire lire des « classiques ». Et les outiller, ça implique de leur faire lire des trucs plus simples ou plus attirants, accrochants, pour qu’ils commencent. Il est plus évident, je pense, qu’un jeune commence avec Harry Potter et continue avec quelque chose de plus complexe que le contraire, genre qu’un jeune développe le goût de la lecture en se frottant à Balzac ou Proust dès le départ.
Ton billet fait revenir un des plus beaux commentaires que j’ai eus relativement à mon premier bouquin. Un ami, enseignant dans un centre jeunesse avait une élève complètement bloquée pour son travail de résumé de lecture. Il lui a donné mon premier Moufettes et le travail était remis deux jours plus tard.C’est incroyable le plaisir que ça provoque.
En écrivant cet article, j’ai surtout pensé à ma dissertation de secondaire 5, où le livre était tellement plate et indéchiffrable pour les non-initiés que 95% des élèves ont fini par sortir de l’institution en considérant la littérature comme un ENNEMI. C’est grave.
Je me suis heurtée pendant un an à une directrice qui voulait que je fasse lire des grands classiques à mes pauvres ti-pits de secondaire 1 pas foutus de mettre un S à « des pommes ».
En effet, faisons-leur lire ce qu’ils aiment lire… Mais faisons leur également lire des « classiques » plus digestes que Hugo: Dracula, Les Trois Mousquetaires, etc…
Les grands classiques doivent souvent être compris en tant qu’une pièce de l’évolution de la littérature. Ce n’est pas au secondaire que les jeunes vont apprécier cela (à part deux ou trois mordus… qui seront très contents de les lire même si c’est pas obligatoire!)
Ce qui est comique, c’est de constater qu’on tente de faire lire, aujourd’hui, les classiques que nos grands-parents lisaient en cours classique il y a presque 75 ans (Hugo, Mallarmé, Flaubert, Balzac)… Ces livres, déjà difficiles d’accès à l’époque, ont désormais presqu’un autre siècle de décalage… Donnez-une chance aux jeunes s’il-vous-plaît!
Cela dit, puis-je aussi ajouter que je vois pas comment 33% des jeunes peuvent sortir de l’école en tant qu’analphabète fonctionnel?
Comment peut-on passer à travers les trois premières années du PRIMAIRE sans savoir lire?
Ah ouais, c’est vrai : en parquant tellement d’élève dans une classe que le prof arrive à accorder 30 secondes d’attention par élève…
Je suis pour un mélange des genres. La lecture sert aussi à développer sa pensée. Alors, des zombies, oui. Mais également de la poésie et des classiques.
Un truc pour que les jeunes lisent: instaurer une soirée par semaine sans télévision, ni aucun écran. Voire plus de télé du tout: résultats garantis
Comme je le rappelle régulièrement, des sondages répétés montrent qu’au Québec, les parents accordent moins d’importance à la lecture, une éducation universitaire et à l’acquisition des connaissances en général que dans le reste du Canada, et la différence est de l’ordre de 15 à 30 points de pourcentage. Voir, par exemple :
http://culturedesfuturs.blogspot.com/2009/09/rendez-vous-le-1er-octobre-pour.html
La lecture, cela commence (ou non) à la maison. L’école peut sans doute aider et je suis bien d’accord pour que les jeunes du primaire et du début du secondaire lisent des BD, des Aurélie Laflamme et du Harry Potter, voire les étudient, au moins de temps en temps. Par contre, arrêtons de traiter des jeunes gens de 16 ou 17 ans comme des bébés. A la fin du secondaire, ils devraient bel et bien pouvoir lire du Hugo, ou sinon du Camus, du Vian, du Tremblay, voire du Vonarburg. Et si le morceau est trop gros pour eux, c’est que quelqu’un n’aura pas fait le boulot aux niveaux précédents…
Le but de l’école, c’est aussi de permettre aux meilleurs d’être prêts pour le cégep ou l’université. Niveler par le bas, ce serait sacrifier une partie d’une génération.
Quant à l’analphabétisme, il se combat de maintes façons; ce serait déjà bien de rappeler de temps en temps que si le Québec est plus pauvre qu’ailleurs en Amérique du Nord, c’est peut-être parce que sa main-d’oeuvre est de moindre qualité parce qu’elle est illettrée. (Oui, je parle bien de tous les travailleurs dont les boulots seraient accomplis avec plus d’efficacité s’ils étaient capables de maîtriser des outils de plus grande technicité, exigeant une littératie et une numératie minimales pour leur maîtrise.)
Bien d’accord avec vous autres. Resterait seulement à trouver la solution concrète pour améliorer le bilan. Je pense que donner du choix, comme vous le suggérez, serait un bon départ. Ça éviterait de niveler « tout le monde » vers le bas.
Mais… comme on dit par chez nous : on n’est pas sorti du bois.
Jean-Louis : Lire du Hugo à 16, 17 ans? Ce serait bien, très bien. À Montréal, peut-être. Ou à Québec. Mais si je ne me trompe pas, le taux d’analphabétisme est particulièrement élevé en région. Je pense que dans ces cas, si la majorité pouvait lire Harry Potter en sortant du secondaire, ça serait déjà un pas de géant.
(Note : mon but n’est pas de mépriser quiconque. Je ne dis pas que le monde en région est moins intelligent, je dis seulement qu’ils lisent moins. C’est un fait.)
Très belle analyse de la situation. En effet, ce serait une bonne idée, de faire lire des trucs plus intéressants aux jeunes du secondaire. Ou, à tout le moins, si on décide de leur faire lire des classiques, il serait préférable de leur donner le choix entre quelques ouvrages, de différents styles. Personnellement, s’il y a une chose que j’ai en horreur, c’est de me faire imposer un bouquin!
À l’école de ma fille (11 ans, 5e année du primaire), le directeur a instauré une politique interne afin de favoriser au maximum la lecture. Un concours à l’échelle de l’école, qui comptabilise le nombre de pages lues par classe. L’acquisition d’oeuvres récentes et populaires pour la bibliothèque de l’école. Ainsi, ma fille lit en ce moment des Arielle Queen et a lu tous les Leonis. Il y a beaucoup de titres québécois, ce qui n’est pas rien non plus. Harry Potter, c’est bien (j’adore, je les ai tous lus!), mais j’aime bien que les auteurs d’ici soient mis en vitrine à l’école.
La lecture prend beaucoup de place dans ma maison. Oui, les parents ont aussi une responsabilité de ce côté-là, mais combien de parents y sont sensibilisés? Je connais tellement de gens qui, n’aimant pas lire, n’amènent jamais leurs enfants à la bibliothèque ou la librairie.
Selon le directeur de ma fille (encore lui!), chaque enfant devrait avoir une bibliothèque bien garnie dans sa chambre. Il nous répète chaque année, lors des rencontres de parents, à quel point l’amour de la lecture est important pour la réussite scolaire de nos jeunes. Et à quel point nous, les parents, avons une influence et même une responsabilité dans ce domaine.
Les jeunes, lisez ce que vous voulez, mais lisez!
Ping :RomanJeunesse.com » Ou l’auteure prend position contre « Caca Boudin »
Intéressant. Je suis moi-même prof de français au cégep et vous savez quoi? Beaucoup d’étudiants trouvent que Aurélie Laflamme, Harry Potter et Bryan Perro, c’est pour les enfants du primaire – ils le liraient même pas au secondaire. J’ai tenté de faire lire quelques romans supposément « cool », et une bonne majorité d’entre mes étudiants ont détesté ça.
Le problème n’est pas Victor Hugo. Le problème est simplement l’école « à la carte », où on encourage les étudiants à pouvoir tout choisir : leurs cours, leurs options, leurs lectures. Bien, mais si on les laissaient aller, ils choisiraient leur XBox, leur iPhone ou Facebook.
J’ai fait lire du Molière à mes étudiants, et ils ont beaucoup aimé (pas tous, bien sûr, on ne peut pas faire plaisir à 38 étudiants). C’est peut-être de la façon dont c’est présenté, en réactualisant les textes pour les relier avec la vie actuelle des étudiants, afin qu’ils puissent voir que, par exemple, d’avoir le coeur brisé à l’époque de Ronsard cause la même souffrance qu’au 21e siècle.
Certains auteurs sont souvent indigeste, mais là aussi, c’est une question de goût. Si c’est bien présenté, tout est possible, même Victor Hugo, Balzac ou Flaubert. Si le prof aime ce qu’il fait lire, ça peut aussi faire toute la différence.
Le hic, c’est que si on laisse entrer en masse le fast-food dans les bibliothèque, on va tôt ou tard niveler par le bas. Du fast-food, oui, mais avec modération, une fois de temps à autres. Le fast-food peut justement mener à aimer des plats de qualité…