Pour raconter l’histoire des objets de mon bureau, je vais commencer par une pièce de mobilier qui est l’antithèse d’un symbole de productivité.
Je vous présente mon divan deux places.
Et il s’appelle « Fano ».
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J’ai acheté Fano en 1998 alors que j’avais 16 ans et que je me préparais à mes futures années de cégep. Il fallait bien que je meuble le futur appartement de mes rêves. Après tout, je n’avais rien. Je commençais à zéro comme bien du monde.
En consultant les petites annonces dans le journal (oui, le journal), j’ai trouvé le meuble usagé. On demandait 125 $ pour. Grâce à mes grands talents de négociateur, je l’ai payé, au final, 125 $.
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J’étais alors encore au secondaire. Et depuis toujours, ma chambre chez mes parents me servait presque uniquement à dormir. Il y avait un lit, une commode, un gros pouf plein de bébelles… pis c’est tout.
Le divan noir s’amenant, je lui ai fait de la place.
Son arrivée a tout changé. Maintenant, je pouvais, pour la première fois, « chiller » dans ma chambre.
Sauf que je lisais pas ben ben. Alors, la seule chose que je pouvais faire c’était m’asseoir dessus et regarder le mur.
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Mes parents avaient une vieille télé noir et blanc d’à peine 11 pouces qui datait certainement des années 60. Je la leur ai empruntée, je l’ai mis sur ma commode, j’ai fait passer un fil de câble dans le couloir et j’ai branché un lecteur VHS sur l’appareil.
Voilà, j’avais réussi à transformer ma chambre en SUPER-SALLE-DE-DIVERTISSEMENT.
Je me souviens d’avoir écouté Le dernier des héros tout seul dans mon repaire.
Et puis, inévitablement, quelqu’un s’est enfargé dans le fil de câble.
La télé a sacré le camp par terre.
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À la fin de l’été 1999, je déménageais à Lévis.
J’ai meublé ma chambre avec un lit simple, un bureau d’ordi et mon divan en faux cuir.
Je me souviens être arrivé un mois avant le début des cours pour profiter de ma nouvelle « indépendance » au maximum.
Un de mes amis m’a prêté sa grande collection de mangas, dont Yuyu Hakusho. Je passais mes journées à lire ça, couché sur le divan. La grosse vie sale.
Comme l’appartement sentait un peu le zouiz, je m’étais acheté un « Branchez-le » Glad à saveur de citron. Depuis ce temps, aussitôt que je respire cette odeur, le souvenir de mon mois de foirage me revient en tête. Et ça me fait sourire.
Criss que j’étais ben.
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Mon passage au cégep a été néanmoins de courte durée. J’ai décroché après la première année, prétextant ne pas être assez stimulé par mon programme (en réalité, avec du recul, j’avais juste pas la discipline requise… mais pas pantoute).
Je suis donc retourné chez mes parents. Le divan en faux cuir m’a suivi.
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Pas longtemps après cet épisode, un de nos amis nous informait qu’il possédait des locaux vides à Sainte-Marie et m’invitait à m’installer dans une salle vacante pour faire du « design Web ». Je rappelle qu’on était en 2000. Le design Web, c’était obscur.
J’ai pris l’offre. J’ai installé le divan dans les locaux.
Voilà à quoi ressemblait l’environnement :
On trouvait pas mal de créativité dans l’alcool.
J’ai tout de même pris la peine de créer l’image de marque pour ma compagnie de « design Web » que j’ai baptisé, attention, « Web True Design ».
J’ai même conçu un logo minimaliste :
Mes journées ressemblaient à :
- Je rentrais dans le bureau et j’allumais l’ordi.
- Je m’étendais sur le divan et je faisais de la philosophie d’fond d’shorts avec mes chums qui « travaillaient » dans les mêmes locaux.
C’est là qu’on a baptisé mon divan « Fano », parce qu’on allait dessus essentiellement pour « faner » (expression qui signifiait « se reposer de façon désinvolte »).
Nombre de contrats réalisés durant cette période : zéro.
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À un moment donné, les locaux ont été vendus. Il fallait donc qu’on parte.
Avec mon frère, je me suis loué un duplex à Sainte-Marie.
Fano, toujours fidèle, est venu s’installer dans le salon.
C’était en 2002.
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Je suis resté là quasiment deux ans, pendant que je travaillais chez Olymel à Vallée-Jonction. Je travaillais de soir, de 16h à 0h00.
Quand je revenais de travailler, je ne me couchais pas tout de suite. Souvent je me faisais un snack et j’écoutais Musique Plus, assis sur Fano, jusqu’à 1 heure du matin.
C’est aussi durant cette période que le matelas intérieur du divan s’est décoré d’une tache de pisse de lapin, indélébile.
Longue histoire.
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Un jour, j’ai décidé de retourner aux études.
Ayant loué un appartement très étroit. J’ai trouvé la petitesse de Fano pratique, alors je l’ai apporté.
Ne posez pas de question sur la présence du couteau et du concombre. Ce serait trop long à expliquer.
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Cette étape commençait en 2003. Je crois avoir déménagé presque toutes les années jusqu’en 2006. Fano m’a suivi chaque fois.
Au terme de ce voyageage infernal entre les appartements, je me suis loué un autre duplex, cette fois à Québec, avec 4 de mes amis. On avait pas mal de place, alors on a pu y mettre un divan trois places ET Fano.
Remarquez la couette sur Fano. À cette époque, le pauvre divan commençait à s’user. Une grosse craque parcourait le faux cuir, exactement là où on devait poser nos fesses. C’était, comme on dit, pas full confortable.
Alors on le couvrait.
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En 2008, je déménageais avec ma blonde. Elle aimait pas trop le « look » de Fano, alors je l’ai laissé dans le garage chez mes parents.
Ma mère trouvait que le divan avait peu fière allure avec sa grosse craque. Elle l’a alors confié à une couturière de mon village natal, qui l’a recouvert de tissu, en partie.
Dommage, parce que j’ai pas vraiment pu l’essayer.
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J’ai laissé Fano tout seul pendant 5 ans, dans le garage.
J’ai quasiment oublié qu’il existait.
* * *
Et puis je me suis acheté une maison.
Jusqu’à aujourd’hui, mon bureau est passé par 4 pièces de la maison pour diverses raisons.
Je suis maintenant dans la pièce à côté de l’escalier, et j’espère y rester un certain temps.
J’ai réaménagé mon bureau le mois passé et j’ai vu, avec joie, que j’avais quelques pieds carrés de libres près d’un des murs.
J’ai tout de suite pensé à Fano. Je voulais le récupérer, même après toutes ces années, et me réapproprier le « symbole » de ma jeunesse, si on veut.
Mes parents me l’ont livré cet été. Ils devait être contents de se débarrasser de ce vestige.
Quand je l’ai placé dans mon bureau et que je l’ai inspecté, j’ai découvert que Fano n’avait plus sa forme d’antan.
Comme le faux cuir a été exposé au froid, aux grandes chaleurs, à l’humidité et au soleil, il a séché et durci, en particulier sur le dossier et les accoudoirs.
Je sens que le vieux meuble ne va pas toffer longtemps avant de craquer.
Quand même, je me suis allongé quelques fois dessus pour réfléchir ou me reposer l’esprit entre deux séances d’écriture. Il est toujours confortable. À part pour les accoudoirs, inconfort que j’ai réglé, en partie, en achetant de gros coussins chez IKEA il y a deux semaines.
J’ignore combien de temps Fano va survivre ici, mais j’ai l’impression, malheureusement, que cet arrêt sera son dernier.
Je te lève mon verre, cher divan! Et merci pour tout.
Autres articles dans ce dossier :
- Les objets de mon bureau
- Les objets de mon bureau #1 : Fano
- Les objets de mon bureau #2 : Copy Holder
- Les objets de mon bureau #3 : Laminé de chute d'eau
- Les objets de mon bureau #4 : Chauffe-tasse
- Les objets de mon bureau #5 : Boudineuse
- Les objets de mon bureau #6 : Tablette graphique
- Les objets de mon bureau #7 : Caisse de monnaie
- Les objets de mon bureau #8 : Tasse miniature
On médit injustement à mon sujet! J’avais rien contre le look de Fano (sur qui j’ai dormi maintes et maintes nuits quand l’alternative était de partager un matelas de lit simple par terre avec des draps de Schtroumpfs) mais on avait déjà un divan deux places très désagréable à déménager (et encore plus laid que Fano).
Très bel article! Très touchant cet historique ;)
Foutrement divertissant comme article! J’espère que d’autres éléments de ton mobilier ont une histoire aussi riche!
Jolie histoire! En tout cas, Fano aura eu une longue vie riche… en mouvements!
Ah, quand un meuble acquière un nom et déménage plus de six fois, moi je dis que ça devient un membre de la famille!
@Mireille : Je me souviens clairement t’avoir entendu dire qu’il était laid, mais c’est peut-être juste une réaction normale de résistance au changement. C’est vrai qu’on en avait un autre affreux qui nous a coûté un cadre de porte lors d’un déménagement.
@Frederic : C’est possible que les prochains articles ne soient pas aussi étoffés, car Fano est « l’ancien » officiel du bureau. On verra bien!
@Prospéryne : Oui, des déménagements il en a vus! Et chaque fois que je le charge dans une remorque, j’espère que c’est la dernière fois.
@Gen : J’espère juste ne jamais oublier un membre de ma famille dans le garage pendant 5 ans ;)
Quel bel article que celui-là ! Je viens parfois sur le blog mais ce billet me donne vraiment envie de laisser ce petit mot aujourd’hui ! Bravo pour votre travail… merci pour ces belles lignes et l’émotion qui en découle :)
Merci beaucoup! :)
Ouf! J’ai un divan aussi qui a autant déménagé. Je me rappelle aussi que ça m’a fait de la peine quand mes beaux-parents l’ont mis au chemin après avoir fait quelques années de garage.
Merci pour cet article divertissant. =) Comme Frédéric j’anticipe les prochains. =)
hahahahahahaha « se reposer de façon désinvolte » Je suis parti à rire tout seul à job. Sacré Fano <3
J’avoue l’avoir utilisé quelques mois dans mon premier apparte avec Marie-Claude :)
Quel beau post ! Toutes les émotions y sont passées en lisant.
Max : Et il continue encore à faire son travail. Pas autant qu’avant, mais quand même…
Tom : Ah ben, ah ben, j’avais oublié ça.
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